"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


samedi 25 octobre 2008

Ostalgie


Je me suis longuement interrogé sur les raisons pour lesquelles, voyageant en Europe de l'Est, j'avais éprouvé à ma façon ce que les Allemands appellent l'Ostalgie, cette forme de nostalgie pour l'ancien régime communiste (mot-valise composé de Ost, Est, et de Nostalgie). Je crois que, dans mon cas comme dans le leur, ce sentiment ne porte pas positivement sur ce que ces pays étaient (aucune acrobatie dialectique ne me portera jamais à affirmer que le miel et le lait coulaient à flots sous le socialisme réel, ni qu'il ressemblait même de loin à ce qu'une société authentiquement humaine devrait être), mais, négativement, sur ce qu'ils avaient l'avantage de ne pas être. Ils n'étaient pas encore, et ils ne sont pas encore, même si l'on constate que leurs modernisateurs mettent les bouchées doubles pour que cela change, ces immenses supermarchés permanents, peuplés de citoyens réduits au rôle de consommateurs décérébrés et interchangeables, que nos pays occidentaux sont devenus.
Oui, le sentiment que j'ai éprouvé c'est que, paradoxalement, une forme d'humanité plus authentique s'était survécue dans ces pays, malgré des décennies de bouleversements sociaux volontaristes qui n'avaient été à bien des égards qu'une macabre caricature du socialisme.
Evidemment, je n'ai pas trop quoi su faire de ces sentiments initialement. Une petite voix insinuante me disait: n'est-ce pas là une forme d'esthétisme facile et typiquement occidental, à la limite du cynisme? On jouit chez soi de tous les conforts du capitalisme, puis on s'en va de temps en temps goûter les joies rugueuses de sociétés encore arriérées, et pour un peu on en voudrait même aux populations de ces pays d'aspirer à ces mêmes conforts et donc de travailler à la disparition de ces oasis primitives etc. etc. Je ne crois pas que cette objection soit recevable: on peut parfaitement concevoir une relative amélioration de la condition matérielle de ces populations, qui ne soit pas pour autant une conversion au consumérisme de masse. Tout comme on peut penser qu'il serait possible d'assurer un certain bien-être économique des populations de nos pays, tout en abandonnant la logique consumériste dominante. Il va de soi toutefois que la première condition à remplir pour pouvoir décemment tenir de tels discours, c'est d'avoir soi-même rompu avec toute logique consumériste. Pour anecdotique que cela puisse paraître, je pense personnellement avoir fait un grands pas dans cette direction depuis l'année dernière en renonçant à posséder autre chose que mes effets personnels et mes livres.

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