"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


mardi 8 mars 2011



samedi 18 avril 2009

L'Angoisse à canaliser

C'est sous ce titre de "L'Angoisse à canaliser" que je lis dans un numéro de 24 heures daté de 1997 l'article suivant: "Le Conseil communal de Granges-près-Marnand devrait, lors de sa séance du 12 mai, autoriser la Municipalité à emprunter 210 000 francs pour le financement des travaux de réfection des captages de la source de l'Angoisse." Il y a donc quelque part en Suisse romande une rivière appelée Angoisse et à la source de laquelle on procède même à des captages. On ne voit de ces choses-là que dans les pays protestants.
La "carte du Tendre" telle que l'avaient dressée nos précieux du XVIIe siècle comptait au pire un "lac d'Indifférence" , mais une rivière Angoisse...

lundi 30 mars 2009

Staff ride

On peut lire dans le numéro de Libération d'aujourd'hui un reportage très intéressant consacré à ce que les Américains appellent des staff rides. Il s'agit d'exercices de formation destinés à des officiers, consistant à se rendre sur le champ d'une bataille du passé dont on a préalablement étudié l'histoire pour revivre sur le terrain de façon minutieuse le déroulement des combats, en vue d'en tirer des enseignements du point de vue stratégique, tactique, opérationnel etc.
Il s'agit d'un usage intéressant de l'histoire à des fins de formation, l'histoire étant conçue comme la rencontre entre la théorie et la pratique, la mise à l'épreuve de la théorie etc.

Hasta siempre comandante

Le culte dont Guevara fait l'objet me tape passablement sur les nerfs en général, mais j'avoue qu'il est assez amusant de découvrir, bien en vue dans la vitrine d'une luxueuse caves à cigares de Genève, dont on devine qu'elle a pour chalands les nantis de tous les continents qui séjournent sur les rives du Léman, de gros coffrets de havanes à l'effigie du "Che" et portant en grosses lettres le slogan "Hasta la victora siempre"...

mercredi 25 mars 2009

Hitchcock forever

I watched - for the umptenth time but with the same pleasure as always - The Man Who Knew Too Much on TV yersterday evening. This is really great art. Nothing is left to chance here, which I think is somehow what a real work of art is or should be about. Not a picture, no one scene is unnecessary, the same way as not a word, no one brushstroke etc. is out of place in a good book, painting etc. Each picture, each scene makes sense both for itself and within the general context of the whole film.

mardi 24 mars 2009

To my readers (if I have any)

As of today I will be writing some of the articles in this blog in English. This is a move I have been pondering for some time now. Let me explain why.
Well, one obvious reason is that, like it or not, English has become a de facto world language. Which means that, by using it, I am able to reach a wider audience. Don't get me wrong: reaching a wider audience does not mean anything quantitative to me, I am not interested in having millions of people reading me, I am only interested in having the right people (i.e. people I share something with) doing it and reacting to what I write. Now, by using a language more widely spoken than French, I increase - this is a matter of statistics - the probability that this can happen. The point is that I have been experiencing lately (lately meaning more or less since the day I was born...) a strong feeling of intellectual loneliness, and widening the audience of this blog might be an opportunity for me to get in touch with some matching souls, so to speak.
Another reason why I have decided to write articles in English is the sheer difficulty of doing so, which makes the whole thing a kind of challenge for me. Writing in a foreign language forces you to be more accurate and substantial, as you cannot resort as easily as in your native language to all the linguistic tricks usually used to conceal a lack of real thought.
Anyhow, for the time being I plan to write only some of the articles in English. I will decide at a later stage whether to switch altogether to English or to start a new blog in that language.

Parallèle

Le pouvoir communiste en URSS et en Chine, pour ne parler que de ces deux pays, a fait preuve vis-à-vis des masses paysannes et des peuples périphériques d'une condescendance qui rappelle par bien des côtés celle des puissances coloniales européennes envers les peuples colonisés.
Même conviction d'incarner la modernité et d'avoir pour mission de sortir de leur arriération supposée des populations dont on pense savoir mieux qu'elles-mêmes quel est leur bien, dont on est déterminé à faire le "bien" malgré elles voire contre elles s'il le faut.
Le parallélisme est frappant sous bien des aspects, et je crois qu'on peut y voir deux faces d'un même phénomène, celui de la modernisation et de ses pathologies.
Notons d'ailleurs que ce parallélisme pourrait s'étendre à l'attitude des Etats occidentaux vis-à-vis de leurs propres populations au cours du XIXe et du XXe siècle.
Tout cela pour dire que le communisme, au bout du compte, n'aura été ni l'incarnation du Bien qu'il se voulait, ni l'incarnation du Mal que ses adversaires ont voulu y voir, mais, bien moins théologiquement, une certaine modalité d'accès à la modernité.
(Modernité devant s'entendre ici sans jugement de valeur ni positif, ni négatif, comme processus complexe de centralisation politique, rationalisation économique, industrialisation, urbanisation etc.).

La famille Gramsci en Russie

J'ai trouvé à Milan un livre qui vient de paraître chez Mondadori sous le titre La Famiglia Gramsci in Russia. L'auteur en est le journaliste Giancarlo Lehner, ancien directeur de L'Avanti, le quotidien du PSI.
Or, dès la préface, je suis profondément irrité. Lehner y raconte comment Gramsci, alors qu'il multilpliait les démarches auprès des autorités pour sortir de prison, aurait été lâché par Togliatti, la direction du PCI en général, le Komintern et l'URSS, pour qui un Gramsci prisonnier puis mort en prison aurait été d'un bien meilleur rapport en termes de propagande qu'un Gramsci libre etc.
Ce n'est pas la relation de ces faits, bien entendu, qui est à l'origine de mon irritation. Il semble établi depuis longtemps que l'attitude du PCI, du Komintern et de Staline dans l'affaire Gramsci a été pour le moins équivoque, et on conçoit fort bien que la stature intellectuelle et la forte personnalité de Gramsci n'aient pas été pour plaire à Staline etc.
Ce qui m'irrite, ce n'est donc pas que l'on parle de cela, et j'aimerais même en savoir plus, et il se peut que le livre de Lehner jette au bout du compte une certaine lumière sur cette affaire.
Mais le ton sur lequel il écrit est proprement insupportable. Il relève plus de la polémique, voire du pamphlet, que l'enquête historique sobre. Et ce faisant, il dessert son propos.
Il s'agit là d'un phénomène que j'ai eu bien souvent l'occasion d'observer. Lehner, comme je l'ai dit plus haut, est un ancien du PSI (lequel a sombré corps et biens dans les procès des années 90 connus sous le nom d'opération Mains propres).
Or le PSI des années 70 et 80, après le tournant imprimé par Bettino Craxi au milieu des années 70, était avant toute chose anticommuniste, à un point qu'on peine à imaginer.
Certes, cela pouvait s'expliquer en partie par le fait que le PCI avait longtemps été hégémonique dans la gauche italienne, non seulement parce qu'en termes de suffrage il dominait largement le PSI, mais parce qu'idéologiquement le PSI, encore confusément révolutionnaire dans son projet jusqu'au tournant de Craxi, était en quelque sorte une pâle copie du PCI.
Le tournant de Craxi avait consisté précisément dans une rupture avec le projet révolutionnaire, dans l'acceptation de la démocratie occcidentale et du marché comme horizon d'action.
Bref, il avait marqué une rupture d'avec la sujétion précédente du PSI vis à vis du PCI, et on pouvait comprendre par conséquent l'existence de débats vifs entre l'un et l'autre partis.
Mais cela n'explique pas pour autant la haine, je dis bien la haine que les socialistes des années 80 vouaient aux communistes, au point que beaucoup de dirigeants socialistes ont préféré, dans le nouveau paysage politique qui a surgi après la chute de l'URSS et les affaires de corruption du début des années 90, rejoindre les rangs de Berlusconi que de s'allier avec les anciens communistes. Cette haine, dont on n'a pas l'exemple en France entre socialistes et communistes, demeure une énigme pour moi.
Toujours est-il qu'elle affleure à chaque page de ce livre de Lehner, au détriment, comme je le disais, des thèses mêmes qu'il se propose de soutenir. Car rien n'irrite plus dans un livre d'histoire que le ton du procureur.
Cela dit, je passerai outre cette irritation pour voir ce que Lehner a d'intéressant à dire car, quels que soient les sentiments qui ont dicté ses recherches, son livre semble intéressant, d'autant plus qu'il contient les journaux inédits de la belle-fille et de la petite fille de Gramsci, un témoignage certainement intéressant sur le sort de cette famille soviétique atypique et sur l'URSS de l'époque.

Une belle citation de Jules Renard

Dans le numéro d'hommage à Ramuz de la NRF paru en juillet 1967, que je viens de trouver dans une librairie d'occasion, figure une lettre inédite de Jules Renard à Ramuz, dans laquelle le premier remercie le second d'un article élogieux qu'il a consacré à Ragotte.
J'y lis cette remarque, que je trouve très juste et très profonde: "Vous dites bien qu'il n'y a de vulgaire que l'esprit. Comment les choses le seraient-elles?"

Valise en carton

A mon retour de Milan samedi, j'ai pour compagnon de voyages cinq Italiens - deux couples et un homme - qui composent à eux tous un magnifique échantillon de l'immigration italienne en Suisse dans les années 60. Ils sont tous cordiaux et diserts et la conversion s'engage immédiatement.
Le premier couple est formé d'un campanien et de sa femme, originaire de Brescia, tous deux octogénaires (lui a 84 ans). Il est arrivé en Suisse, dans le canton de Genève, comme ouvrier agricole saisonnier à la fin des années 50, puis il a trouvé du travail dans l'industrie horlogère, où il est resté jusqu'à l'âge de la retraite. Ils vivent encore à Genève, ils reviennent de Brescia, où ils ont été voir de la famille.
Le deuxième couple, dans les 65 ans, est formé de deux Siciliens de Catane. C'est lui qui était arrivé le premier en Suisse, dans le canton de Berne, pour travailler comme maçon, dans les années 60.
Elle est ensuite venue l'y rejoindre, ils y ont vécu jusqu'à leur départ en retraite. Ils sont maintenant revenus en Sicile. Ils se rendent à Berne pour voir leurs trois enfants adultes, qui eux vivent encore en Suisse.
Enfin l'homme seul est un Calabrais, lui aussi dans les 65 ans, arrivé dans les années 60, aujourd'hui à la retraite, qui vit dans la région de Gruyère. Il est venu en journée à Milan pour y faire des emplettes de produits italiens et, dit-il, pour le plaisir d'y entendre parler l'italien, ne serait-ce que quelques heures.
Il est intéressant de les entendre parler de leur expérience de l'émigration, qu'on ne peut s'empêcher de mettre en parallèle avec la condition actuelle des immigrés dans nos pays.
Tous s'accordent sur la dureté de la Suisse de l'époque vis-à-vis des immigrés.
La femme de Catane raconte comment les autorités suisses exigeaient alors un délai de 18 mois avant qu'un travailleur immigré puisse faire venir ses enfants, et que c'est donc clandestinement qu'elle fit entrer sa fille avant l'expiration de ce délai, quitte à faire un nouvel aller-retour le moment venu pour la faire entrer légalement.
Le Calabrais est particulièrement amer sur le compte des Suisses en général, qu'il trouve froids et distants. Il dit avec une tristesse qui fait presque peine à voir qu'en 50 ans de vie en Suisse, il ne s'est pas fait un ami. Je lui demande si c'est uniquement pour des raisons économiques qu'il s'est établi en Suisse et si, au cas où il aurait eu le choix, il serait resté vivre en Calabre: il me répond que cela ne fait aucun doute. Il parle ensuite de la tristesse qu'il éprouve à constater que ses propres enfants, élevés ici, sont devenus à leur façon un peu suisses, capables eux aussi de froideur et de distance.
La dame de Brescia, sans manifester la même amertume, souligne que tous leurs amis à Genève sont des immigrés italiens. Mais elle et son mari semblent se plaire en Suisse. Lui parle d'ailleurs dans d'excellents termes des chefs et des patrons qu'il a eus en Suisse. Il les trouve bien plus respectueux que les patrons italiens.
Ils parlent ensuite de leurs pensions de retraite, des avantages respectifs des régimes suisse et italien, des formalités qu'il a fallu remplir, s'agissant du couple revenu au pays, pour percevoir en Italie la pension suisse etc.
C'est vraiment la génération des immigrés à la valise en carton, et c'est très instructif de les écouter parler.

Milan au printemps

J'ai fait un petit tour à Milan en journée samedi. Trois heures aller, trois heure retour par le train, ça peut sembler long, mais un bon livre à l'aller, des compagnons de voyage intéressants au retour, et on ne voit pas le temps passer.
Mon ami Daniele (venant de Mantoue) et moi nous étions donné rendez-vous à Milano Centrale.
Le temps magnifique se prêtait parfaitement à cette petite flânerie printanière,.
Nous avons déjeuné dans les jardins du Muséum d'histoire naturelle, puis sommes montés en haut du Dôme, ce que ni l'un ni l'autre n'avions jamais fait. On y jouit d'une belle vue, même si on ne domine pas la ville autant que d'en haut du Sacré-Coeur à Paris, où la hauteur de la colline de Montmartre vient s'ajouter à celle de la basilique.
La contemplation du Dôme me fait dire à Daniele, dans une formule controuvée que n'aurait pas dédaignée le Malraux historien de l'art, que le style flamboyant est un peu le baroque du gothique.
Après notre ascension et la descension subséquente, nous allons fouiner dans les rayons de la librairie Il Libraccio, où je trouve quelques bouquins intéressants.
Nous rejoignons ensuite à pied la gare, où nous prenons chacun le train nous emmène vers notre domicile.
Une belle journée milanaise, qui me réconcilie avec cette ville au sujet de laquelle j'avais nourri jusqu'ici un préjugé tenace (ville grise, entièrement consacrée au business etc.).

vendredi 20 mars 2009

na sdarovie

Hasard des lectures: j'ai lu hier soir un petit texte mineur de Balzac intitulé Traité des excitants modernes. C'est un écrit à vrai dire sans grand intérêt, dans lequel Balzac adopte ce ton grand seigneur et péremptoire qui amuse dans ses romans (parce que, s'introduisant avec ses gros sabots dans le fil du récit, l'auteur semble comme à plaisir faire la nique par anticipation à Flaubert et à sa doctrine du narrateur effacé etc.), mais qui, réduit à lui-même, laisse plutôt froid.
Toujours est-il que je lis dans le texte en question, au chapitre consacré à l'eau-de-vie, la formule suivante: "J'appelle la Russie une autocratie soutenue par l'alcool".
Or, hasard des lectures comme je le disais, je lisais cet après-midi dans un texte d'une toute autre nature (Everyday Stalinism, sous-titre à rallonge : "Ordinary life in extraordinary times: Soviet Russia in the 1930's", de Sheila Fitzpatrick) que, après une période de quasi prohibition, en 1930 Staline décida de relancer la production à grande échelle de vodka - qui devait bientôt en conséquence de cette décision représenter un cinquième des revenus de l'Etat -, motivant ce changement de politique dans une note écrite à l'attention de Molotov en septembre 1930 par l'imminence d'une attaque polonaise et donc la nécessité pour l'Etat d'augmenter ses recettes pour accélérer son armement. J'avais déjà raconté dans un billet écrit il y a quelques mois de Moscou comment le régime tsariste durant la Première Guerre mondiale puis Gorbatchev pendant la perestroïka avaient tenté d'introduire des mesures prohibitionnistes en Russie: on sait ce qu'il advint de l'un comme de l'autre.
Ajoutons à cela qu'on parlait beaucoup dans les journaux russes à l'automne des velléités du pouvoir actuel de réglementer plus sévèrement la vente d'alcool et d'adopter des politiques de désintoxication obligatoire pour les alcooliques.
Poutine et Medvedev ne savent pas à quoi ils s'exposent, et ils ignorent apparemment la maxime balzacienne.
L'opium du peuple: la formule doit s'interpréter parfois dans un sens plus littéral qu'il n'y paraît.