"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


dimanche 26 octobre 2008

Ethnocentrisme


On entend bien des idioties au sujet de l'ethnocentrisme occidental, comme si ce phénomène était en quelque sorte propre à nos seuls pays. C'est en fait à peu près le contraire qui est vrai car, s'il y a bien une constante qui émerge des enquêtes des anthropologues, c'est que tous les peuples partagent la même conviction selon laquelle leurs valeurs et leurs croyances sont les seules vraies et les membres de la société à laquelle ils appartiennent les seuls hommes véritables (à telle enseigne que bien des sociétés "primitives" réservent à leurs seuls membres le nom d'être humain). Bref, toutes les sociétés sont essentiellement ethnocentriques, et seule la société occidentale, pour des raisons qu'il s'agirait de démêler, mais qui procèdent certainement de son double héritage grecque et biblique, s'est voulue universaliste et a posé l'unité du genre humain. La société occidentale moderne est en quelque sorte cette société dont le particularisme propre est de se vouloir universaliste. La seule chose qu'on puisse lui reprocher (si l'on adopte le point de vue d'un universalisme authentique, à supposer qu'une telle chose existe), c'est précisément qu'en tant qu'il est une forme spécifique de particularisme, cet universalisme est peut-être moins innocent qu'il n'y paraît car il pourrait être en fait la forme subtile revêtue par l'ethnocentrisme européen.
Autrement dit, ce n'est pas l'ethnocentrisme européen qui est en cause (l'Europe le partage avec tous les peuples sans exception), mais bien la prétention de l'Européen de déroger à cette constante anthropologique, prétention qui a pu masquer à l'occasion toutes sortes d'intérêts et de crimes (voir l'histoire coloniale évidemment).
Il est à noter toutefois que ceux-là même qui dénoncent le caractère hypocrite de l'universalisme colonial et post-colonial le font eux-mêmes au nom d'une forme prétendument plus pure et plus authentique d'universalisme, mais qui n'en est pas moins suspecte, tant il est vrai qu'il y a quelque chose d'antinaturel dans l'universalisme.
Je crois quant à moi que tout universalisme abstrait est suspect par nature, et que le seul universalisme concevable est celui qui naît de l'universalisation, par cercles concentriques pour ainsi dire, jusqu'à englober le genre humain tout entier, des valeurs que nous professons et surtout que nous pratiquons dans la société où il nous a été donné de naître. Comme le disait Rousseau, "défiez-vous des cosmopolites qui vont chercher au loin des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d'aimer son voisin."

Aucun commentaire: