"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


jeudi 9 octobre 2008

L'homme qui préférait se taire


Malgré tout ce que les intégristes de l'écologie font pour m'éloigner des animaux, je vais finir après tout par devenir l'ami des grands singes: j'ai vu ce soir à la télévision un petit bout d'un documentaire ayant pour objet les orangs-outans. J'y ai appris ce que je savais déjà, mais que j'avais oublié - on oublie tant de choses -, à savoir que "orang-outan" signifie "homme des forêts" en malais. Mais j'y ai appris surtout que, d'après certaines tribus de Bornéo, les orangs-outans seraient des hommes à part entière, des hommes comme vous et moi, à ceci près qu'ils seraient un peu plus velus, voilà tout. Oui, comme vous et moi, jusques et y compris par la faculté du langage, qu'ils partageraient avec les autres hommes. Et si, dans les faits, ils ne parlent pas, nous dit cette légende de Bornéo, c'est simplement parce qu'ils préfèrent se taire. Comment ne pas être fasciné par l'idée d'hommes qui, considérant après mûre réflexion qu'il valait mieux se taire, auraient délibéré collectivement de renoncer à l'usage du langage, et donc d'abdiquer leur statut de zoon logon, d'animal parlant, selon la définition de l'homme que donne Aristote, pour passer le plus clair de leur temps à pratiquer paresseusement l'épouillage mutuel au milieu des bois? Se pourrait-il tout compte fait que nous-mêmes ayons fait fausse route à un certain stade de notre évolution? Bref, pour dire les choses plus brutalement, n'aurions-nous pas mieux fait nous aussi de la fermer?

1 commentaire:

dievouchka a dit…

Ca c'est du grand fantasme rousseauiste... (d'ailleurs il mentionne également les orang-outans) mais il est parfois tentant de se laisser tenter, dans une civilisation où l'on est bombardé d'images et d'informations et où plus personne ne prend la peine de penser...