"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


mardi 28 octobre 2008

Les à-côté de la plaque


Je ne sais plus quel modéré, à l'époque de la Révolution française, se plaignait de la fureur centralisatrice et unificatrice des Jacobins qui, désireux d'effacer toutes les anciennes identités locales héritées de l'Ancien Régime, avaient tranché dans le vif du territoire de la France pour y découper, selon des limites purement arbitraires et rationnelles, les départements. Pour un peu, ajoutait-il en substance, ils donneraient à ces entités nouvelles, à ces purs êtres de raison non plus des noms mais de simples numéros.
Comme on le sait, c'est ce que l'administration publique française a fini par faire effectivement plus d'un siècle plus tard.
Mais paradoxalement, comme le montre les protestations actuelles concernant le nouveau système national d'immatriculation des voitures, qui prévoit la disparition de l'indication du département, les populations des départements ont fini par développer un attachement pour ces numéros, malgré ce qu'ils pouvaient avoir initialement d'abstraction froide. C'est un exemple assez saisissant de l'importance du sentiment d'appartenance et d'identité dans la vie sociale, car il montre comment la société en quelque sorte sécrète de l'identité même à partir de ce qui apparemment s'y prêterait le moins, un peu à la façon dont des barrières de corail se forment dans certaines mers sur la carcasse rouillée d'épaves.

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