"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


jeudi 23 octobre 2008

Always Coca-Cola


Un nouveau spot pour Coca-Cola (enfin, je dis nouveau parce que je ne l'ai vu que récemment, mais je suis pas un téléspectateur assidu) nous montre un vieil homme dans une maison de retraite à qui une infirmière propose un Coca-Cola. Il l'accepte en disant qu'il n'en a jamais bu de sa vie. Il en boit une gorgée et le voilà qui se met à penser à toutes les autres choses qu'il n'a pas fait dans sa vie, et on le voit aller sonner à la porte d'une maison et annoncer à l'homme qui lui ouvre qu'il est son père, on le voit nu dans un camp de nudisme, on le voit se faire tatouer. Retour de la caméra dans la maison de retraire, l'infirmière entre dans la pièce où notre homme se trouvait tout à l'heure, et il a disparu, d'où l'on conclut qu'il est allé faire pour de bon toutes ces choses qu'on l'a vu faire en rêverie.
Ce spot joue d'un ressort qu'on retrouve dans bien des publicités: tel produit, Coca-Cola ou autre, aurait la vertu miraculeuse de nous faire accéder à cette Liberté, à cette Autre Vie, à cette Vraie Vie à laquelle chacun de nous, engoncé dans une existence bien souvent faite de routines, aspire plus ou moins confusément. Il réaliserait ce rêve d'Evasion et d'Ailleurs qui gît au fond de tout homme.
Or, d'où provient cette insatisfaction que bien des gens éprouvent quant à leur vie aujourd'hui, si ce n'est de ce rôle passif de consommateurs auquel ils sont réduits?
Qu'à cela ne tienne, nous dit cette publicité, ce sentiment d'insatisfaction engendré par la consommation, la consommation d'un autre produit saura y remédier.
Oui, c'est précisément en cela que réside l'habileté diabolique de cette publicité, dans le fait qu'elle parvient à capter l'insatisfaction inhérente au mode de vie consumériste au profit de la consommation elle-même.
Disons-le, il y a une forme de génie là-dedans, de génie subalterne, de génie négatif, de malin génie tant qu'on voudra - mais de génie quand même.
Cela fait penser à ces objets techniques complexes que décrit Gilbert Simondon, et au principe d'intégration qui préside à leur conception. On est en effet en présence d'une sorte de machine qui serait à même de recycler, au service de son propre fonctionnement, les déchets qu'elle produit. On n'est pas très loin du mouvement perpétuel. Il y a là-dedans une perfection formelle effrayante mais réelle.

Gilbert Simondon, Du Mode d'existence des objets techniques, Aubier.

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