"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


mardi 21 octobre 2008

Ne suivez pas le guide


Il est une chose pour laquelle la lecture de certains guides de voyages me semble indispensable: c'est pour savoir les endroits où il ne faut absolument pas mettre les pieds. C'est vrai en particulier des Guides du Routard. Je prends toujours soin de les consulter à l'oeil dans une librairie avant de partir quelque part, pour m'assurer que l'hôtel que j'ai réservé n'y est pas conseillé, car l'idée de me trouver dans un établissement fréquenté par des gens qui choisissent leur point de chute selon les critères du guide du routard m'emplit d'horreur. Mais cela vaut également pour les guides Lonely Planet. La philosophie que distillent ces deux collections de guides est un compendium de toutes les niaiseries qui ont cours à notre époque. Je vous en offrirai un édifiant petit florilège dès que j'en aurai le temps.
Mais, sans vouloir jouer à la belle âme, la palme du mauvais goût me semble revenir de plein droit au petit guide Cartoville (Gallimard) consacré à Cracovie et à ses environs, dont les auteurs ont trouvé à propos de fournir les adresses de quelques restaurants et bars où il est loisible au voyageur de s'arrêter pour boire ou manger dans le village d'Oswiecim - en allemand: Auschwitz. On y apprend donc que l'hôtel Galicja est un ancien relais de poste où "les VIP font escale", et qu'on y mange du pâté de sanglier, des cailles au porto ou du grenadin clouté au lard pour environ 45 zlotys à la carte. Ou encore que le Max Cafe est "une perle rare à Oswiecim" (lisez encore: Auschwitz): "un lieu spacieux et moderne pour se relaxer devant un expresso ou un café aromatisé" ou "se laisser couler dans l'un des fauteuils blancs".
Non, je regrette - et, je le répète, sans jouer à la belle âme -, on ne va pas à Auschwitz pour manger du grenadin clouté au lard ni boire un café aromatisé dans un fauteuil blanc. Il y a quand même, il devrait y avoir quelque chose qui s'appelle la décence pour vous empêcher d'écrire des choses pareilles me semble-t-il. Mais ce n'est même pas ça: c'est que je n'arrive pas même pas à associer l'idée de bouffer avec un tel lieu. Mon estomac, qui n'est pas le siège de la conscience pourtant, mon estomac lui-même s'y refuse.

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