"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


vendredi 19 septembre 2008

Misère de l'écologisme 2


Je ne cherche pas à le dissimuler, l'écologie politique suscite en moi de sérieuses réserves.
Elles sont d'abord d'ordre tactique: quel que soit par ailleurs le bien-fondé d'un certain nombre de ses positions, l'écologie politique ne contribue-t-elle pas, même à son corps défendant, à occulter les enjeux politiques et sociaux réels du monde actuel?
Mais elles sont surtout d'ordre philosophique.
En fait, je suis porté à distinguer, sommairement, deux discours écologiques.
Le premier, dans lequel je me reconnais, considère qu'il est dans l'intérêt bien compris de l'homme de préserver son environnement. Une telle conception n'en place pas moins l'homme au centre du monde, et c'est avant tout en tant qu'elle constitue le milieu de vie de l'homme que la nature y est digne d'attention.
La seconde, quant à elle, consiste en une sorte de culte de la nature, au pedigree idéologique pour le moins douteux, qui conçoit l'homme comme un intrus, l'espèce humaine comme un facteur perturbateur d'un équilibre naturel censément harmonieux. C'est cette conception qui s'exprime par exemple dans l'ouvrage récent d'Yves Paccalet, L'humanité disparaîtra, bon débarras.
J'ai déjà essayé dans un article précédent de montrer comment, même d'un point de vue logique, cette conception ne tenait pas debout car, si l'on pose que la valeur suprême est la Nature (ce qui est le cas de tenants de cette conception, mais n'est pas mon cas), l'homme n'en appartient pas moins à la Nature que toute autre espèce, et par conséquent il n'y aucune raison de le blâmer de ses méfaits supposés. On pourrait ajouter qu'une telle conception souffre d'une autre contradiction, plus profonde encore : l'harmonie de la Nature que l'homme est censé troubler, n'a de sens en fait que rapportée à l'homme, car il n'y a d'harmonie qu'en tant qu'il y a conscience d'harmonie, et seul l'homme est capable de conscience. Dans un monde dont l'espèce humaine aurait disparu, les montagnes grandioses, les fleuves majestueux, les oiseaux chatoyants etc. ne seraient plus ni grandioses, ni majestueux ni chatoyants. En un sens, ils ne seraient même plus car il n'y aurait plus de conscience pour les manifester.
Seul l'homme est source de valeur, et la valeur que nous attribuons à d'autres réalités est toujours dérivée. Certes, il nous faut autant que faire se peut respecter dans l'animal la sensibilité qui s'y manifeste etc. Mais ce souci doit être subordonné au souci de l'homme. En ce sens que le souci de l'homme doit être premier, et que seule une humanité déjà bien avancée sur la voie de la justice envers les hommes pourrait réellement, sans hypocrisie, s'intéresser au sort des animaux. Je peux comprendre saint François s'adressant dans sa Laude delle creature à Frate Sole, Sora Luna, Frate Vento ou Sor'Acqua: on peut supposer que chez un saint, le souci de l'autre est à ce point débordant et parfait, qu'il puisse s'étendre à l'ensemble de la création ("Laudato sie, mi' Signore, cum tucte le tue creature..."). Mais la sainteté n'est pas la règle. "Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'excercent si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur la bête" dit quelque part Marguerite Yourcenar. Je n'en suis pas si sûr. Je me demande même si le contraire n'est pas plus conforme à la vérité, et si jusqu'à présent l'homme ne s'est pas fait la main sur l'homme.
Et quand je lis que des défenseurs des animaux - des extrémistes je le concède, mais quand même - ont commencé ces dernières années à s'en prendre à des êtres humains qu'ils accusaient de maltraiter des animaux, je me dis que l'homme pourrait avoir trouvé une nouvelle raison de porter la main contre l'homme: l'amour prétendu des animaux et de la nature.

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