"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


samedi 6 septembre 2008

La nostalgie camarade


Si vous allez jamais à Sébastopol, cette ville magnifique sur la mer Noire à laquelle sa résistance héroïque pendant la Guerre de Crimée et la Seconde Guerre mondiale a valu en russe le nom de "ville qui ne meurt jamais", n'oubliez pas de vous rendre au restaurant "Pobeda", situé dans une des rues qui descendent vers le port depuis l'avenue principale de la ville (prospekt Nakhimova).
La décoration de ce restaurant renvoie, à mi-chemin entre l’ironie et la nostalgie, à l’univers soviétique des années 60. Le nom même du restaurant est celui d’une voiture de l’époque ; le menu imite la une de la Pravda ; les murs de la salle sont tapissés de photos et de coupures de presse dans le même esprit.
J'ai dit "entre l'ironie et la nostalgie" parce qu'il est difficile de démêler exactement lequel de ces deux sentiments a présidé à la création de cet endroit, et c'est c'est précisément ça qui en fait l'intérêt. Tout comme il est intéressant d'essayer de deviner à son tour quelle part d'ironie ou de nostalgie - ou d'indifférence d'ailleurs: bien des gens sont totalement insensibles à une foule de signes que nous considérons comme dignes d'intérêt - il entre dans la perception de l'endroit par les clients russes ou ukrainiens qu'on y croise.
Cela participe certainement en partie de cette tendance qui se manifeste également dans la fameuse "Ostalgie" allemande.
Indépendamment du jugement qu'on porte sur l'URSS de Brejnev ou l'Allemagne de Honecker, je ne crois pas qu'il faille attribuer un véritable sens politique à ce genre de phénomène. Je crois plutôt qu'il témoigne de l'incroyable pouvoir de la mémoire humaine d'appliquer une sorte de patine sur le passé, une patine qui lui confère une densité et une beauté que le présent n'a jamais. Si l'on y pense, c'est un peu la même chose que l'on voit dans Amarcord de Fellini, où l'évocation de l'Italietta fasciste se teinte de nostalgie sous l'effet de cette même puissance cosmétique du souvenir.

Pour revenir à notre restaurant, où l'on peut certes méditer sur l'Histoire et la Mémoire, mais où l'estomac aussi entend faire valoir ses droits, vous y trouverez les plats typiques de la cuisine ukrainienne: bortsch, pelminis et varenikis (les uns et les autres sont des sortes de raviolis, farcis de différentes façons, même aux cerises si le cœur vous en dit). Pour un repas de deux plats + boisson, il fallait compter UAH 25/35 par personne, soit 2,00/3,50 euros en juin 2008, mais je ne réponds de rien vu l'inflation actuelle en Ukraine. Enfin, allez-y, c'est un bon endroit pour manger à Sébastopol et pour, selon la devise des jeux Fernand Nathan de mon enfance, s'instruire en s'amusant, ce qui est toujours mieux quand même que se décerveler en s'emmerdant comme le veut la tendance actuelle.
Pobeda, Maiakovski uliza. Sébaspotol

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