"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


mardi 18 novembre 2008

Plaisirs du droit


Un ami qui doit doit potasser du droit pour des raisons professionnelles se plaint de l'aridité de cette matière et de l'ennui qu'elle lui procure. Je n'ai jamais souscrit personnellement à cette vision du droit, pourtant très répandue. J'ai un excellent souvenir des cours de droit de l'Université de Bologne, en particulier de droit civil et de droit romain.
Le droit est (enfin, peut-être devrais-je dire "était", car il est de plus en plus envahi par la métaphysique de nos jours) une technique extrêmement raffinée permettant de coordonner la protection des multiples intérêts légitimes qui coexistent dans une société donnée, et à ce titre il est intellectuellement très stimulant.
Et puis le droit est une source d'information sociologique de premier ordre, car il donne à voir en creux les moeurs de la société à laquelle il s'applique. Il partage cette caractéristique d'ailleurs avec les systèmes normatifs en général: les traités de savoir-vivre nous renseignent précisément sur les manières dominantes à l'époque où ils ont été écrits. Quand on lit dans le Galateo de Della Casa, manuel de bonnes manières du XVIe siècle, qu'il ne faut pas s'essuyer les mains sur la nappe, on en conclut que cet usage était courant parmi la noblesse de l'époque. De la même façon, les linguistes ont su depuis longtemps tirer parti des ouvrages du genre "Dites - Ne dites pas" pour reconstituer l'état d'une langue à une époque donnée. Toute norme visant à corriger un phénomène donné nous renseigne, par son existence même, sur l'existence de ce phénomène.
Enfin, le droit, par son souci de clarté et de précision, me semble une excellente école du point de vue linguistique. D'ailleurs, Stendhal lui-même ne disait-il pas qu'il faudrait écrire des romans dans le style du code civil, ou quelque chose de ce genre?

Image ci-dessus: La Justice, par Cranach.

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