"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


vendredi 21 novembre 2008

Le droit à la bêtise

J'ai déjà eu l'occasion d'en parler dans un billet précédent: je trouve affligeant le niveau de la plupart des commentaires de lecteurs qu'on trouve sur le site de journaux tels que Le Monde et Libération.
Dans le cas du Monde, c'est particulièrement surprenant car pour pouvoir publier un commentaire, il faut être un abonné du journal. Je savais certes que sous la direction de Colombani Le Monde avait perdu beaucoup de son lustre et de son autorité, mais je pensais que ses abonnés satisfaisaient un minimum de conditions en termes de culture. Il n'en est apparemment rien.
On retire de la lecture de ces commentaires la sensation désagréable qu'une vague d'idiotie est en train de submerger nos sociétés. En fait je crois qu'il n'en est rien. Il n'y a ni plus ni moins d'idiots qu'autrefois. Ce qui a changé, c'est qu'auparavant la bêtise de beaucoup se manifestait uniquement en privé. La parole publique, et donc l'expression publique de la bêtise était réservée aux élites, qui ne se privaient d'ailleurs pas de faire usage de ce privilège, comme l'Histoire nous l'enseigne. Mais depuis une vingtaine d'années, il s'est produit un changement d'importance. La télévision a commencé à donner la parole à n'importe qui, précisément en tant que n'importe qui. Et maintenant n'importe qui pense avoir un droit illimité d'expression publique, précisément, je le répète, en tant que n'importe qui. (Un charcutier qui parle en tant que charcutier est intéressant tout autant qu'un prix Nobel qui parle en tant que tel; l'un et l'autre parlant en tant que n'importe qui sont bêtes). Et Internet, par un certain nombre de ses formes dites d'interactivité, a accentué encore ce phénomène. Chacun se croit autorisé à donner une opinion inarticulée sur tout et n'importe quoi. Il y a des remarques anticipatrices très intéressantes sur ce sujet chez Ortega y Gasset, il faudrait le relire.

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