"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


dimanche 23 novembre 2008

L'herbe du voisin

J'ai trouvé cet après-midi à la "Dom inostrannoi knigi", autrement dit la Maison du livre étranger, librairie de la rue Kousnetskii Most spécialisée dans les livres en langues étrangères (ce qui, comme partout ailleurs maintenant, veut dire un rayon anglais en général assez consistant, les autres langues se réduisant à quelques dizaines de volumes dans un coin - on appréciera au passage comment nos gouvernants, toutes tendances politiques confondues, aiment disserter sur la scène internationale au sujet de l'exception française etc., et ne sont pas fichus ensuite de financer une réelle présence de l'édition francophone dans le monde, ce qui coûterait à mon avis une infime partie des sommes que l'on consacre à mille choses inutiles. Passons...) , j'ai trouvé , disais-je, un autre livre de Joseph Brodsky, que je recherchais tout particulièrement parce qu'il est cité dans quelques textes que j'ai lus au cours de l'année écoulée. Il s'agit de On Grief and Reason, recueil d'articles rédigés en anglais pour le compte de diverses publications, paru posthume. J'ai eu le temps d'en lire une partie dans un café pendant que Nastia partait faire du shopping (la plupart des commerces sont ouverts à Moscou le dimanche).
Je me bornerai aujourd'hui à citer un passage du premier texte, "Spoils of War", une méditation sur son enfance et sa jeunesse soviétiques. Evoquant la façon dont lui et ses amis fantasmaient le monde occidental à travers les quelques produits qu'ils en connaissaient, il dit ceci, au sujet du gin Beefeater, qui figurait dans leur liste de produits favoris: "As for Beefeater gin bottles, a friend of mine observed upon receiving one from a visiting foreigner that perhaps in the same way we get kicks from their elaborate labels, they get kicks from the total vacancy on ours." (En ce qui concerne les bouteilles de gin Beefeater, l'un de mes amis, qui en avait reçu une d'un visiteur étranger, fit remarquer que peut-être, de la même façon que nous raffolons de leurs étiquettes élaborées, ils raffolent de l'absence totale d'étiquette sur les nôtres." ) Peut-être tout est dit dans cette simple phrase sur la fascination que j'éprouve moi-même pour tant de vestiges du passé soviétique ici. Tout cela se ramène peut-être tout bêtement à l'attrait pour ce qui est complètement autre, sans qu'on doive surcharger cela de significations politiques. Et peut-être la fascination pour l'ouest de tant d'habitants des pays socialistes s'expliquait-elle en partie par ce même désir qu'on éprouve pour l'ailleurs en tant que tel, surtout évidemment quand il nous est interdit.

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