"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


jeudi 11 décembre 2008

Limites des droits de l'homme

Le Temps consacre en ce moment une série d'articles à la question des droits de l'homme à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle.
J'y lis aujourd'hui une interview de Rony Brauman, ancien président de MSF et professeur à Sciences-Po, qui, par rapport aux niaiseries édifiantes qu'on entend en général, a l'avantage de poser ce qui me semble le vrai problème. Il part du constat que la notion de droits de l'homme est devenue une sorte de fourre-tout pour souligner la nécessité d'une réflexion renouvelée sur la nature des droits universels.
Et il clair en effet que la question des droits de l'homme doit être repensée à nouveaux frais.
Les droits de l'homme, il convient d'abord de le souligner, sont une fiction: ils ont été inventés au XVIIIe siècle à des fins politiques, pour fournir un fondement philosophique à la lutte contre l'Ancien régime. Ils ont admirablement rempli cette tâche.
On peut comprendre par ailleurs qu'après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, on ait ressenti le besoin de "déclarer" ces droits, et cette fois à l'échelle universelle, tant il semblait nécessaire de proclamer haut et fort que l'exercice du pouvoir a des limites, et que les gouvernants ont des obligations vis-à-vis des gouvernés. On sait également quel instrument politique puissant ils fournirent aux dissidents des pays de l'Est, en particulier après la signature par l'URSS des accords d'Helsinki.
Toutefois, la notion de droits de l'homme n'est utile que si on définit comme tels un noyau de droits réellement essentiels et universels: le droit pour chacun de ne pas être emprisonné, torturé ou mis à mort à tort. Or on assiste depuis une trentaine d'années à une sorte de multiplication des droits de l'homme, qui finit par les vider de leur substance. Faire de n'importe quelle revendication socio-politique, comme le logement, le travail etc. un droit de l'homme, ce n'est pas renforcer ces revendications, c'est affaiblir et avilir la notion même de droits de l'homme. Et c'est aussi, ainsi que l'a bien montré Marcel Gauchet, nier la dimension propre de la politique, qui est justement d'arbitrer, dans une situation de rareté des ressources, entre les différentes revendications en présence au sein de la société. Qu'a-t-on à y gagner si chacun parvient, par le biais de campagnes d'opinions, à faire reconnaître ses propres revendications comme un droit absolu, et à les faire inscrire comme tel dans la législation? Les ressources étant de toute façon limitées, qu'en sera-t-il ensuite de l'application des lois consacrant les droits en question? La question politique de l'arbitrage se reposera nécessairement, ce qui montre l'inutilité de ce détour par le droit.

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