"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


lundi 17 novembre 2008

Harmonia mundi


Je suis au petit supermarché du quartier. J'observe les gens autour de moi. Ces visages dont les traits évoquent les mille ethnies de cet empire grand 40 fois comme la France. Cet homme devant moi à la caisse, qui remplit son caddie de saucisses, de bière et de silotkas (hareng non pas fumé mais simplement mariné, et donc à la chair beaucoup plus tendre, presque fondante, délicieux entre un shot de vodka et l'autre). Il organise manifestement une soirée entre amis ce soir, une soirée à la russe, dans un petit appartement surchauffé, où l'on portera des toasts à l'amour qui fout le camp, aux affaires qui ne marchent pas très bien, aux amis qui sont quand même là, et à tout ce qui vous passera par la tête. Et puis cette caissière au foulard noué à la kolhozienne qui pianote sur la caisse électronique flambant neuve avec une expression d'écolière studieuse.
Qu'appelons-nous un peuple, qu'est-ce qu'une culture sinon un instrument permettant de jouer d'une certaine façon, reconnaissable entre toutes, cette petite musique qu'est l'existence humaine? Les cultures ne sont pas faites pour s'opposer ni à fortiori se détruire, mais pour se compléter. Idéalement, tous ces instruments mis ensemble devraient jouer une sorte de symphonie universelle, dans laquelle chacun d'eux donnerait le meilleur de lui-même. Je sais, ce sont là rêveries à l'eau de rose d'un irénisme un peu facile, mais j'aime cette idée des cultures comme autant d'instruments jouant au fond la même musique, chacun avec son timbre propre. Certaines cultures rendent un ton plus léger, d'autres un ton plus grave: c'est le cas évidemment de la culture russe, avec ses chants de basses, ses romans où l'on agite les questions dernières de la vie individuelle et collective, ses icônes lumineuses et austères. J'aime cette gravité comme j'aime une certaine légèreté française (qui n'est d'ailleurs pas le tout de la culture française). J'ai mes heures russes comme j'ai mes heures françaises, anglaises ou italiennes. C'est du tourisme si l'on veut, du tourisme métaphysique : j'aime à être tour à tour quelques uns des mille possibles de l'humain.

Aucun commentaire: