On sait que l'expérience de la jalousie occupe une place centrale dans la conception proustienne de l'amour. La jalousie y est coessentielle à l'amour ; ce n'est pas assez dire: il vaudrait peut-être mieux dire que la jalousie est, chez Proust, l'essence ultime de l'amour. Ce n'est que dans la jalousie, ce n'est que du moment où il en vit les affres que Swann aime réellement Odette, ou le Narrateur, Albertine ; ce n'est que dans et par la jalousie qu'ils accèdent à l'expérience amoureuse véritable.
Pourquoi cela? Parce que la jalousie n'est pas, chez Proust, la jalousie des vaudevilles, ni même celle d'Othello. Le processus psychologique qu'elle met en branle peut certes être provoqué initialement par la crainte de perdre l'être aimé au profit d'un tiers, comme dans la jalousie telle que l'entend le sens commun, mais cette crainte est chez Proust tout au plus l'occasion de la jalousie, elle n'en est pas la cause profonde.
La cause profonde de la jalousie réside dans le fait que l'amour, dont elle constitutive comme je l'ai dit, est chez Proust une expérience proprement métaphysique. L'amour proustien a partie liée avec la connaissance, comme le montrait très bien F. Alquié dans un peu livre intitulé Solitude de la raison dont j'ai dû me défaire malheureusement à l'occasion d'un déménagement. Le moteur de la subjectivité est l'aspiration à la connaissance. Idéalement, chacun d'entre nous vise à la connaissance du tout. Et l'amour est une expérience éminemment cognitive. Par l'amour d'une personne, c'est à un monde que j'accède, c'est une région entière de l'être qui s'offre à ma connaissance. Or, ce que la jalousie rend sensible, c'est justement que cette aspiration à l'infini dont l'amour est une manifestation est vouée à l'échec.
En effet, et l'expérience-limite que nous décrit La Recherche dans l'épisode d'Albertine en administre la preuve pour ainsi dire par l'absurde, j'aurai beau, en proie à la folie inquisitrice qui saisit l'amoureux atteint de jalousie, enfermer l'être aimé pour qu'il ne me donne plus sujet d'être jaloux, il est une chose sur laquelle je n'aurai jamais prise: c'est son passé. Par son irréversibilité, le passé m'échappe, le passé se soustrait à mon inquisition et à ma maîtrise. La jalousie, en me rendant conscient du fait que je ne pourrai jamais tout savoir d'un être donné, me place devant la finitude de ma faculté de connaître, et donc devant ma finitude tout court.
C'est en cela que l'amour est chez Proust une expérience foncièrement métaphysique, en ce qu'il nous révèle la nostalgie du tout qui nous habite, tout en nous montrant que son objet est hors de notre portée.
Pourquoi cela? Parce que la jalousie n'est pas, chez Proust, la jalousie des vaudevilles, ni même celle d'Othello. Le processus psychologique qu'elle met en branle peut certes être provoqué initialement par la crainte de perdre l'être aimé au profit d'un tiers, comme dans la jalousie telle que l'entend le sens commun, mais cette crainte est chez Proust tout au plus l'occasion de la jalousie, elle n'en est pas la cause profonde.
La cause profonde de la jalousie réside dans le fait que l'amour, dont elle constitutive comme je l'ai dit, est chez Proust une expérience proprement métaphysique. L'amour proustien a partie liée avec la connaissance, comme le montrait très bien F. Alquié dans un peu livre intitulé Solitude de la raison dont j'ai dû me défaire malheureusement à l'occasion d'un déménagement. Le moteur de la subjectivité est l'aspiration à la connaissance. Idéalement, chacun d'entre nous vise à la connaissance du tout. Et l'amour est une expérience éminemment cognitive. Par l'amour d'une personne, c'est à un monde que j'accède, c'est une région entière de l'être qui s'offre à ma connaissance. Or, ce que la jalousie rend sensible, c'est justement que cette aspiration à l'infini dont l'amour est une manifestation est vouée à l'échec.
En effet, et l'expérience-limite que nous décrit La Recherche dans l'épisode d'Albertine en administre la preuve pour ainsi dire par l'absurde, j'aurai beau, en proie à la folie inquisitrice qui saisit l'amoureux atteint de jalousie, enfermer l'être aimé pour qu'il ne me donne plus sujet d'être jaloux, il est une chose sur laquelle je n'aurai jamais prise: c'est son passé. Par son irréversibilité, le passé m'échappe, le passé se soustrait à mon inquisition et à ma maîtrise. La jalousie, en me rendant conscient du fait que je ne pourrai jamais tout savoir d'un être donné, me place devant la finitude de ma faculté de connaître, et donc devant ma finitude tout court.
C'est en cela que l'amour est chez Proust une expérience foncièrement métaphysique, en ce qu'il nous révèle la nostalgie du tout qui nous habite, tout en nous montrant que son objet est hors de notre portée.
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