"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


jeudi 15 janvier 2009

Vaches sacrées

Le journal télévisé nous apprend que les vaches sacrées sont devenus une gêne dans l'hyperactive New Delhi d'aujourd'hui et que des brigades spéciales s'emploient à les capturer pour les parquer dans la banlieue de la ville dans des enclos spécialement mis en place à cet effet.
Bien sûr, tous ceux qui ne croient pas aux vaches sacrées diront que c'est là une mesure des plus raisonnables et qu'il est même heureux que l'Inde abandonne enfin ces superstititions d'un autre âge.
Je n'en suis pas si sûr quant à moi.
Que l'on croie ou non aux vaches sacrées, on doit s'accorder à reconnaître que le respect qu'on leur manifestait, le fait qu'on acceptait qu'elles entravent la circulation automobile etc. étaient le signe, au-delà de leur sacralité ou non, de l'existence de valeurs radicalement opposées à celles du productivisme moderne.
L'abandon des vaches sacrées manifeste donc fondamentalement le ralliement de l'Inde aux principes de rationalité et d'efficacité économiques propres à la modernité.
A-t-elle à y gagner? Oui, peut-on répondre de façon tautologique, si l'on reconnaît un primat axiologique aux valeurs de rationalité et d'efficacité économiques, valeurs dans lesquelles communient d'ailleurs aussi bien le libre-échangiste que le marxiste, la seule différence entre eux concernant les moyens d'assurer le maximum d'efficacité et la distribution des produits.
Mais si l'on place plus haut d'autres valeurs, si l'on accorde une plus grande importance aux valeurs spirituelles, alors il n'est pas dit que cela soit un progrès, car c'est toute une forme d'existence spirituelle, toute une façon d'être au monde qui disparaît avec les vaches sacrées.
En fait, je suis intimement persuadé que, comme le disait Isaiah Berlin, les hautes valeurs sont en conflit entre elles. Ce qui revient à dire, au bout du compte, avec la sagesse des nations, qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Chaque société est une formule particulière qui privilégie l'une des valeurs suprêmes, ou une combinaison donnée de valeurs suprêmes, par rapport aux autres et qui, partant, en néglige d'autres.
On n'aura jamais de société dans laquelle on puisse faire entièrement et simultanément droit à tous les valeurs supérieures que sont le Vrai, le Beau, le Juste, l'Egalité, la Liberté etc.

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