"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


jeudi 15 janvier 2009

Hobbes et nous

Je parlais de renégociation rituelle du contrat social au sujet des polémiques récurrentes sur la légitime défense.
C'est notamment du contrat social selon Hobbes qu'il s'agit.
Car qu'on le veuille ou non, c'est sur un contrat social hobbesien que nos sociétés reposent.
Rappelons brièvement quels sont les termes de ce contrat.
Pour Hobbes, l'état de nature se caractérise par la violence. Il est bellum omnium contra omnes, guerre de tous contre tous, dans lequel homo homini lupus, l'homme est un loup pour son prochain. Pour sortir de cet état de guerre et donc de peur permanentes, chacun doit aliéner son droit naturel d'user de la violence au profit de l'Etat. L'Etat ayant dès lors le monopole de la violence, il punira quiconque y a recours, assurant la sécurité de tous, mettant donc fin à l'insécurité radicale de l'état de nature.
Et c'est bien encore sur un contrat de cette nature que nos sociétés reposent: nous renonçons à nous rendre justice par nous mêmes, parce que nous comptons sur l'Etat (la justice, la police etc.) pour assurer notre sécurité.
La légitime défense apparaît dans ce cadre comme une sorte de cas-limite, car elle correspond à des situations qui, par leur caractère d'urgence, ne permettent pas de recourir à l'Etat, à la police, pour assurer ma sécurité.
Et certes la loi reconnaît justement dans ce genre de cas le droit à la légitime défense, mais elle a le soin de l'encadrer strictement. Et on touche ici au malentendu philosophique qui existe entre l'Etat et de nombreux particuliers concernant la nature de la légitime défense.
Pour beaucoup de personnes, en effet, la légitime défense s'applique dans une situation où, l'Etat n'étant pas là pour le défendre, le citoyen est comme délié momentanément du contrat social et donc libre de se comporter comme dans l'état de nature pour faire valoir ses droits.
Pour l'Etat au contraire, la légitime défense ne saurait en aucun cas constituer un retour, fût-il momentané et résiduel, à l'état de nature ; elle constitue bien plutôt une sorte de délégation en vertu de laquelle l'Etat accorde à un particulier, comme à son agent, à titre exceptionnel, le droit d'exercer son droit régalien d'user de la violence, ce droit devant dès lors d'exercer dans les limites fixées par l'Etat et non pas à la discrétion du particulier.
On voit que la lecture des journaux locaux suscite de véritables vertiges philosophiques...

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