"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


mardi 10 février 2009

Quelques mots sur Bouvard et Pécuchet

Je suis sur le point de finir Bouvard et Pécuchet.
Je le répète, ce n'est pas l'oeuvre nihiliste que d'aucuns se sont plus à y voir.
Certes, c'est le livre d'un homme revenu de tout, et il s'en dégage sans aucun doute une sorte de scepticisme mélancolique. Mais on n'y trouve ni sarcasme, ni joie mauvaise.
Même les traits les plus féroces sont comme enveloppés dans une vision plus ample, plus profonde, plus riche de l'expérience humaine.
Si on y prend garde, par exemple, les épisodes les plus dérisoires s'accompagnent le plus souvent d'une notation d'atmosphère de quelques phrases denses (l'heure du jour, le temps qu'il fait, le paysage...), et ces notations sont comme autant de haïkus qui suggèrent que la sensation pourrait être une voie d'accès plus authentique et plus efficaces aux choses, à l'être que toutes les théories etc. Oui, les descriptions remplissent ici un rôle bien plus important que cet "effet de réel" que la critique a voulu leur assigner parfois ; elles pourraient bien exprimer une sorte d'extase éprouvée au spectacle de la chair du monde, extase antérieure et résistante à toute conceptualisation. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a dans ce livre, malgré tout ce qu'il peut présenter superficiellement de pessimisme, une sorte d'assentiment au monde. Assentiment qui s'exprime, comme je viens de le dire, dans une certaine extase matérielle, mais aussi dans la tendresse que se vouent l'un à l'autre Bouvard et Pécuchet, et qui figure à l'état embryonnaire une communauté humaine possible.

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