Qu'on s'en félicite ou qu'on s'en désole, force est de constater que Jean-Jacques Rousseau est l'un des écrivains qui ont le plus influencé le monde de ces derniers siècles, et dont la pensée est encore agissante dans bien des aspects de notre modernité. Et cela est vrai aussi bien dans le domaine de la philosophie politique, où nous sommes encore pour une part importante ses héritiers, que dans le domaine esthétique, la subjectivité moderne ou même postmoderne n'étant au fond encore qu'un avatar de la subjectivité romantique qu'il a inaugurée.
Mais Rousseau ne s'est pas contenté d'écrire des livres importants et influents. Il s'est affirmé également comme un maître inégalé dans l'art des commencements. J'en veux pour preuve les incipits de ses deux oeuvres majeures, je veux parler du Contrat social et des Confessions. "L'homme est né libre, et partout il est dans les fers." Où trouver ailleurs dans la littérature politique de tous les temps une attaque, au sens musical du terme, plus puissante que celle du chapitre I du Contrat Social? Nulle part à ma connaissance. Seul Marx, peut-être, avec l'ouverture fracassante du Manifeste - "Un spectre hante l'Europe..." -, pourrait se hisser à la première place ex-aequo. "L'homme est né libre...": quel pouvoir de suggestion en une seule phrase. On a envie séance tenante de convoquer les Etats-Généraux, de prêter le serment du jeu de paume, de prendre la Bastille.
Il est vrai que Rousseau, à l'époque du Contrat social, avait déjà des années d'entraînement derrière lui, si l'on songe à la magnifique ouverture de la 2e partie du Discours sur l'inégalité:
"Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne".
Et que dire de la grandiose mégalomanie de l'incipit des Confessions?
"Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ; et cet homme, ce sera moi." Qui n'eut jamais d'exemple, passe encore. Mais dont l'exécution n'aura point d'imitateur? Il fallait quand même le faire. On se prend à penser que le génie pourrait bien n'être après tout qu'une forme supérieure du culot.
Mais Rousseau ne s'est pas contenté d'écrire des livres importants et influents. Il s'est affirmé également comme un maître inégalé dans l'art des commencements. J'en veux pour preuve les incipits de ses deux oeuvres majeures, je veux parler du Contrat social et des Confessions. "L'homme est né libre, et partout il est dans les fers." Où trouver ailleurs dans la littérature politique de tous les temps une attaque, au sens musical du terme, plus puissante que celle du chapitre I du Contrat Social? Nulle part à ma connaissance. Seul Marx, peut-être, avec l'ouverture fracassante du Manifeste - "Un spectre hante l'Europe..." -, pourrait se hisser à la première place ex-aequo. "L'homme est né libre...": quel pouvoir de suggestion en une seule phrase. On a envie séance tenante de convoquer les Etats-Généraux, de prêter le serment du jeu de paume, de prendre la Bastille.
Il est vrai que Rousseau, à l'époque du Contrat social, avait déjà des années d'entraînement derrière lui, si l'on songe à la magnifique ouverture de la 2e partie du Discours sur l'inégalité:
"Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne".
Et que dire de la grandiose mégalomanie de l'incipit des Confessions?
"Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ; et cet homme, ce sera moi." Qui n'eut jamais d'exemple, passe encore. Mais dont l'exécution n'aura point d'imitateur? Il fallait quand même le faire. On se prend à penser que le génie pourrait bien n'être après tout qu'une forme supérieure du culot.
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