Je relis les Scritti corsari de Pasolini. Je les avais lus en traduction française, en 1979 ou dans ces eaux-là. Je m'en souviens encore, c'était dans la collection du Livre de poche. Puis je les avais relus en italien, c'est même le premier livre que j'aie acheté en Italie, à mon arrivée en 1985, avec un autre livre de Pasolini, Empirismo eretico, tous deux dans l'édition complète de ses oeuvres que Garzanti avait fait paraître à la fin des années 70, des volumes au format de poche bleu et blanc, avec une photo de Pasolini en noir et blanc sur la couverture. Je mes les étais procurés à la librairie Feltrinelli International de Bologne, qui à l'époque n'était pas via Zamboni, comme aujourd'hui, mais dans cette petite rue qui part de piazza Ravagnana et qui porte le nom de via de' Giudei.
Tous ces détails matériels ne sont pas indifférents, je crois, ils font partie intégrante de l'histoire de nos rapports avec une oeuvre, du retentissement qu'elle a en nous, de la place qu'elle occupe dans notre géographie intellectuelle.
Bien, Les Scritti corsari.
C'est un grand livre. C'est un livre de poète, et qui voit des vérités que seuls les poètes peuvent voir. Il n'a rien bien sûr de la componction du tout-venant des livres de sciences sociales. Mais en même temps il est plus honnête et plus vrai. Plus honnête parce que ce n'est un mystère pour personne que l'objectivité affectée par la plupart des livres de sociologie etc. ne tient pas l'examen le plus souvent. Plus vrai, aussi, parce que, paradoxalement, le subjectivisme assumé et proclamé de Pasolini, y compris dans sa dimension érotique, a une grande valeur heuristique. Pasolini ne parle pas du point de vue de Sirius ; il ne parle même pas à proprement parler depuis un point de vue. La métaphore de la vision pour exprimer une conception, une position intellectuelle ou spirituelle est trop réductrice ici. Pasolini parle en quelque sorte avec tout son corps, avec tous ses sens. Et c'est précisément cela qui lui permet de saisir des phénomènes qui passeraient inaperçus pour l'observateur impartial et désincarné. Car ce qui se dégage de tous les articles qui composent les Scritti corsari, c'est que l'amour de Pasolini avait pour objet tout autant les "ragazzi di vita" que le monde ancien auquel ils appartenaient, un monde, avec son langage, sa gestuelle, ses rapports humains... C'était un monde qu'il aimait à travers ces garçons, tout comme c'était ces garçons qu'il célébrait à travers la célébration de ce monde. C'est ce qui lui a permis de percevoir et de décrire mieux que quiconque la destruction de ce monde ancien et la "mutation anthropologique" qui en était la cause. C'est ce qui lui a permis de faire de son drame personnel un instrument de connaissance extrêmement efficace de ces bouleversements qui n'en finissent pas de faire sentir leur effets sous nos yeux. Et dont il reste aujourd'hui encore l'un des meilleurs interprètes, non pas en dépit mais à cause de la passion qu'il a mise à les dénoncer.
Tous ces détails matériels ne sont pas indifférents, je crois, ils font partie intégrante de l'histoire de nos rapports avec une oeuvre, du retentissement qu'elle a en nous, de la place qu'elle occupe dans notre géographie intellectuelle.
Bien, Les Scritti corsari.
C'est un grand livre. C'est un livre de poète, et qui voit des vérités que seuls les poètes peuvent voir. Il n'a rien bien sûr de la componction du tout-venant des livres de sciences sociales. Mais en même temps il est plus honnête et plus vrai. Plus honnête parce que ce n'est un mystère pour personne que l'objectivité affectée par la plupart des livres de sociologie etc. ne tient pas l'examen le plus souvent. Plus vrai, aussi, parce que, paradoxalement, le subjectivisme assumé et proclamé de Pasolini, y compris dans sa dimension érotique, a une grande valeur heuristique. Pasolini ne parle pas du point de vue de Sirius ; il ne parle même pas à proprement parler depuis un point de vue. La métaphore de la vision pour exprimer une conception, une position intellectuelle ou spirituelle est trop réductrice ici. Pasolini parle en quelque sorte avec tout son corps, avec tous ses sens. Et c'est précisément cela qui lui permet de saisir des phénomènes qui passeraient inaperçus pour l'observateur impartial et désincarné. Car ce qui se dégage de tous les articles qui composent les Scritti corsari, c'est que l'amour de Pasolini avait pour objet tout autant les "ragazzi di vita" que le monde ancien auquel ils appartenaient, un monde, avec son langage, sa gestuelle, ses rapports humains... C'était un monde qu'il aimait à travers ces garçons, tout comme c'était ces garçons qu'il célébrait à travers la célébration de ce monde. C'est ce qui lui a permis de percevoir et de décrire mieux que quiconque la destruction de ce monde ancien et la "mutation anthropologique" qui en était la cause. C'est ce qui lui a permis de faire de son drame personnel un instrument de connaissance extrêmement efficace de ces bouleversements qui n'en finissent pas de faire sentir leur effets sous nos yeux. Et dont il reste aujourd'hui encore l'un des meilleurs interprètes, non pas en dépit mais à cause de la passion qu'il a mise à les dénoncer.
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