Quand j'étais au collège, il y avait un type, l'une de ces personnes à qui, par une sorte de paradoxe, leurs mauvaises manières finissent par conférer une sorte d'ascendant sur les personnes qui les entourent, qui, au beau milieu d'une histoire que vous étiez en train de raconter à vos camarades, prenait un malin plaisir à vous couper la parole en s'exclamant: "Mais tu racontes ta vie, là!". Tout le monde riait, sauf celui qui avait été ainsi interrompu, même si chacun des rieurs avait été la veille ou serait le lendemain la victime d'un épisode du même genre. Je ne sais pas trop comment expliquer pourquoi, sous ce qu'elles pouvaient avoir d'apparemment anodin, je trouvais ces interruptions particulièrement violentes et blessantes.
Je ne savais pourtant pas trop quoi répondre à ce type qui, à chaque fois qu'il avait mis quelqu'un en boîte, riait de toutes ses dents crépies d'un tartre ocre virant à l'orangé par endroits.
Je n'avais pas encore lu Paul Ricoeur, je ne pouvais donc pas lui répondre que "l’identité personnelle, considérée dans la durée, peut être définie comme identité narrative, à la croisée de la cohérence que confère la mise en intrigue et de la discordance suscitée par les péripéties de l’action racontée."
Dommage, ça lui aurait bouché un trou.
Paul Ricoeur, Discours de la Reconnaissance, Gallimard, 2004.
Photo: Paul Ricoeur.
Je ne savais pourtant pas trop quoi répondre à ce type qui, à chaque fois qu'il avait mis quelqu'un en boîte, riait de toutes ses dents crépies d'un tartre ocre virant à l'orangé par endroits.
Je n'avais pas encore lu Paul Ricoeur, je ne pouvais donc pas lui répondre que "l’identité personnelle, considérée dans la durée, peut être définie comme identité narrative, à la croisée de la cohérence que confère la mise en intrigue et de la discordance suscitée par les péripéties de l’action racontée."
Dommage, ça lui aurait bouché un trou.
Paul Ricoeur, Discours de la Reconnaissance, Gallimard, 2004.
Photo: Paul Ricoeur.
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