Mais Polanski n'est pas seulement un cinéaste important, c'est aussi quelqu'un qui a des choses intéressantes à dire sur l'art et l'histoire du cinéma. Je m'en étais déjà aperçu en regardant l'année dernière un documentaire de Serge July consacré au tournage de Tess. Et cela s'est trouvé confirmé à lecture de l'entretien qu'il a accordé ici. C'est ainsi que Polanski raconte l'impression que lui a faite le monde du cinéma français quand il est arrivé à Paris au début des années 60. Il était persuadé ("je crois que j'étais trop endoctriné à l'envers", dit-il) de trouver en France une grande supériorité technique par rapport aux pays socialistes, mais en fait, reconnaît-il, c'est l'inverse qui était vrai car le cinéma soviétique était en un sens techniquement plus proche du cinéma hollywoodien, puisque c'est précisément à Hollywood que ses fondateurs étaient allés étudier les principes de la production cinématographique.
Il dit par ailleurs qu'à son avis la Nouvelle vague a été à l'origine d'une crise durable du cinéma français, parce que par son amateurisme technique pour ainsi dire revendiqué, qui a séduit un temps les producteurs, elle a entraîné la disparition de toute une série d'équipements (studios etc.) et de savoir-faire. La Nouvelle vague n'est d'ailleurs pas sa tasse de thé. Il lui reproche de pratiquer un cinéma trop littéraire et pas assez visuel. Cela peut sembler paradoxal si l'on pense que c'est précisément le grief que la Nouvelle vague faisait à ses prédécesseurs (la primauté du scénario sur le langage visuel, la politique des auteurs, consistant précisément à dépouiller le scénariste de la qualité d'auteur du film pour l'accorder au réalisateur etc.), mais c'est pourtant tout à fait vrai à mon avis: quelles que soient les grandes déclarations théoriques de Godard sur la primauté de l'image, son cinéma reste l'un des plus verbeux qui soit.
Lise Bloch-Morhange et David Alper, Artiste et Métèque à Paris, Buchet-Chastel, 1980.
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