Nous répugnons parfois à reconnaître les dettes intellectuelles que nous avons pu contracter au fil du temps envers les personnes qu'il nous a été donné de fréquenter. Comme si nous craignions ce faisant de nous déposséder de nous-mêmes, d'être moins nous-mêmes en quelque sorte, de nous dépouiller de ce que nous ressentons comme notre part la plus personnelle.
C'est un tort, car c'est le contraire qui est vrai: toute pensée authentiquement personnelle naît du dialogue avec d'autres pensées, car s'il est vrai que la pensée, comme le dit Platon, est le dialogue de l'âme avec elle-même, il est tout aussi vrai que le dialogue avec autrui en est comme le prototype et, à la fois, l'aliment.
Reconnaître nos dettes intellectuelles, c'est donc rendre hommage à tous ceux dont la fréquentation nous a permis de devenir ce que nous sommes, et en ce sens toute autobiographie pourrait d'une certaine façon s'intituler Grâces leur soient rendues, comme c'est le cas des mémoires de Maurice Nadeau.
C'est pourquoi j'aime tant les pages liminaires des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, dans lesquelles l'empereur philosophe énumère justement les différentes personnes qui ont influé sur son développement intellectuel et moral, en spécifiant pour chacune d'entre elles le titre auquel il s'en reconnaît le débiteur.
De mon grand-père : la bonté coutumière, le calme inaltérable. (...)
De Rusticus : avoir pris conscience que j'avais besoin de redresser et de surveiller mon caractère; avoir évité de se passionner pour la sophistique, de rédiger des traités, de déclamer de piteux discours exhortatifs, et de frapper les imaginations pour se montrer un homme actif et bienfaisant (...).
De Fronton : avoir observé à quel degré d'envie, de souplesse et de dissimulation les tyrans en arrivent (...).
De Catulus : ne jamais être indifférent aux plaintes d'un ami, même s'il arrive que ce soit sans raison qu'il se plaigne (...).
De mon frère Sévérus : l'amour du beau, du vrai, du bien; avoir connu, grâce à lui, Thraséas, Helvidius, Caton, Dion, Brutus...
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, traduction de Mario Meunier.
C'est un tort, car c'est le contraire qui est vrai: toute pensée authentiquement personnelle naît du dialogue avec d'autres pensées, car s'il est vrai que la pensée, comme le dit Platon, est le dialogue de l'âme avec elle-même, il est tout aussi vrai que le dialogue avec autrui en est comme le prototype et, à la fois, l'aliment.
Reconnaître nos dettes intellectuelles, c'est donc rendre hommage à tous ceux dont la fréquentation nous a permis de devenir ce que nous sommes, et en ce sens toute autobiographie pourrait d'une certaine façon s'intituler Grâces leur soient rendues, comme c'est le cas des mémoires de Maurice Nadeau.
C'est pourquoi j'aime tant les pages liminaires des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, dans lesquelles l'empereur philosophe énumère justement les différentes personnes qui ont influé sur son développement intellectuel et moral, en spécifiant pour chacune d'entre elles le titre auquel il s'en reconnaît le débiteur.
De mon grand-père : la bonté coutumière, le calme inaltérable. (...)
De Rusticus : avoir pris conscience que j'avais besoin de redresser et de surveiller mon caractère; avoir évité de se passionner pour la sophistique, de rédiger des traités, de déclamer de piteux discours exhortatifs, et de frapper les imaginations pour se montrer un homme actif et bienfaisant (...).
De Fronton : avoir observé à quel degré d'envie, de souplesse et de dissimulation les tyrans en arrivent (...).
De Catulus : ne jamais être indifférent aux plaintes d'un ami, même s'il arrive que ce soit sans raison qu'il se plaigne (...).
De mon frère Sévérus : l'amour du beau, du vrai, du bien; avoir connu, grâce à lui, Thraséas, Helvidius, Caton, Dion, Brutus...
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, traduction de Mario Meunier.
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