"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


samedi 6 septembre 2008

Léautaud ou le refus de la pose


J'ai lu cet été les Entretiens de Paul Léautaud avec Robert Mallet, diffusés en 1950-51 par la Radiodiffusion Française, ancêtre de Radio France, puis publiés en livre en 1951 chez Gallimard.
J'aime bien Léautaud.
Certes, comme j'appartiens, pour des raisons de génération, d'histoire personnelle, je ne sais pas trop, au nombre de ceux qui ont tendance à juger de l'épaisseur morale d'un homme par son comportement pendant la Seconde Guerre mondiale, je dois avouer que les pages de son journal écrites pendant l'occupation, dont il ressort que l'un de ses soucis majeurs était de trouver à manger pour ses animaux, suscitent en moi un certain malaise.
D'ailleurs, j'ai du mal à comprendre en général cette espèce de passion qu'il avait pour les animaux, ses dizaines de chats et de chiens etc.
Même si, en fait, cela a certainement quelque chose à voir avec le jour peu favorable – c'est le moins qu'on puisse dire – sous lequel l'espèce humaine s'est présentée à lui dès son enfance.
Cette enfance qui fait l'objet de ce qui reste à mon avis le plus beau de ses livres, je veux parler du Petit Ami, qui par sa "petite musique" annonce les meilleures pages de Céline, sans les outrances de ce dernier et sans que cela tourne au procédé comme, il faut bien l'avouer, c'est souvent le cas chez Céline.
Et puis il y a chez Léautaud un autre trait que j'aime beaucoup, et qui ressort très clairement de ces entretiens, c'est l'absence totale de chiqué, le refus de la pose et de l'esbroufe. Dans une tradition littéraire française où l'écrivain, toutes époques confondues depuis au moins trois siècles, se comporte comme le ventriloque des vérités dernières (Marc Fumaroli observe à juste titre que même un auteur apparemment en rupture de ban comme Sartre venait en fait prendre la place toute chaude du Grand Ecrivain telle qu'une tradition séculaire nous l'avait léguée), je dois dire que cela a quelque chose de rafraîchissant. Il y a des gens qui écrivent de belles choses, dit en substance Léautaud. On ne sait pas trop comment ça leur vient. Il n'y a pas de quoi en faire un plat et se monter du col.
Et puis bien sûr il y a les célèbres "bons mots" que Léautaud, en particulier dans son activité de critique théâtral, aimait faire aux dépens des auteurs.
En voici un pour finir, que je trouve excellent. Comme, en 1923, Léautaud avait éreinté la pièce d'un certain Mortier, celui-ci écrivit dans un article qu'il irait attendre Léautaud à une répétition générale pour le corriger. A quoi Léautaud lui répondit qu'il ferait mieux d'apporter ce soin à ses œuvres.

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