"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


vendredi 20 mars 2009

na sdarovie

Hasard des lectures: j'ai lu hier soir un petit texte mineur de Balzac intitulé Traité des excitants modernes. C'est un écrit à vrai dire sans grand intérêt, dans lequel Balzac adopte ce ton grand seigneur et péremptoire qui amuse dans ses romans (parce que, s'introduisant avec ses gros sabots dans le fil du récit, l'auteur semble comme à plaisir faire la nique par anticipation à Flaubert et à sa doctrine du narrateur effacé etc.), mais qui, réduit à lui-même, laisse plutôt froid.
Toujours est-il que je lis dans le texte en question, au chapitre consacré à l'eau-de-vie, la formule suivante: "J'appelle la Russie une autocratie soutenue par l'alcool".
Or, hasard des lectures comme je le disais, je lisais cet après-midi dans un texte d'une toute autre nature (Everyday Stalinism, sous-titre à rallonge : "Ordinary life in extraordinary times: Soviet Russia in the 1930's", de Sheila Fitzpatrick) que, après une période de quasi prohibition, en 1930 Staline décida de relancer la production à grande échelle de vodka - qui devait bientôt en conséquence de cette décision représenter un cinquième des revenus de l'Etat -, motivant ce changement de politique dans une note écrite à l'attention de Molotov en septembre 1930 par l'imminence d'une attaque polonaise et donc la nécessité pour l'Etat d'augmenter ses recettes pour accélérer son armement. J'avais déjà raconté dans un billet écrit il y a quelques mois de Moscou comment le régime tsariste durant la Première Guerre mondiale puis Gorbatchev pendant la perestroïka avaient tenté d'introduire des mesures prohibitionnistes en Russie: on sait ce qu'il advint de l'un comme de l'autre.
Ajoutons à cela qu'on parlait beaucoup dans les journaux russes à l'automne des velléités du pouvoir actuel de réglementer plus sévèrement la vente d'alcool et d'adopter des politiques de désintoxication obligatoire pour les alcooliques.
Poutine et Medvedev ne savent pas à quoi ils s'exposent, et ils ignorent apparemment la maxime balzacienne.
L'opium du peuple: la formule doit s'interpréter parfois dans un sens plus littéral qu'il n'y paraît.

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