"It was the best of times, it was the worst of times..."
Charles Dickens. A Tale of Two Cities.


vendredi 20 mars 2009

Le mythe de la Renaissance italienne

Dans un article consacré à Vasari paru dans Le Monde en 1950 et repris dans un recueil publié aux Editions de Fallois en 1992, André Chastel, tout en jugeant spécieuse la thèse de l'historien de l'art Courajod selon laquelle le prestige de la Renaissance serait en grande partie le résultat de la propagande efficace des historiens d'art de la Péninsule et que, s'il avait eu des chroniqueurs aussi efficaces qu'un Vasari, l'art français des XIVe et XVe siècle jouirait aujourd'hui d'un prestige égal, tout en jugeant cette thèse spécieuse, disais-je, n'en affirme pas moins que l'Italie, dans le domaine artistique, a très tôt montré un souci de l'histoire, un "appel à la gloire", qui "a vivement stimulé artistes et mécènes avant d'imposer à la postérité consentante une image tyrannique mais puissante de la supériorité de la Renaissance au-delà des Alpes".
Bref, tout en jugeant peut-être un peu extrême la thèse de Courajod, Chastel la fait quand même sienne en partie: c'est au talent et à l'efficacité de ses chroniqueurs que la Renaissance italienne doit une partie au moins du prestige incomparable dont elle jouit aujourd'hui encore.
Venant du meilleur historien de l'art italien que la France ait connu au siècle dernier, et d'un esprit absolument fermé à toutes les mesquineries que les petites jalousies nationales peuvent dicter, cette constatation me semble importante.
D'abord parce qu'elle nous rappelle, de façon générale, que la hiérarchie des valeurs dans les arts est le produit d'une histoire, qu'il importe de faire.
Ensuite, parce que, sur la question spécifique de la Renaissance italienne, elle permet de remettre un peu les pendules à l'heure. Je crois en effet qu'il existe un mythe de la Renaissance italienne, qui est certes né en Italie même et qu'aujourd'hui encore les Italiens se plaisent à entretenir, mais qui doit aussi beaucoup à des étrangers: premiers touristes anglais et allemands du Grand tour, ou historiens comme Burckhardt etc.
Or, à bien y regarder, la Renaissance italienne dans presque tous les domaines ne tient pas forcément la comparaison avec les productions contemporaines d'autres pays: la peinture italienne, manque parfois de profondeur comparée à la peinture flamande etc. La littérature italienne de la Renaissance peut être creuse et redondante. La philosophie italienne de la Renaissance est plutôt superficielle soit qu'on la compare avec la philosophie scolastique qui la précède, jargonneuse mais solide quoi qu'on dise, et qui avait atteint dans des domaines tels que la logique un degré de raffinement technique assez incroyable (avec Ockham, Duns Scot), soit qu'on la compare encore avec une oeuvre substantielle de la Renaissance française comme les Essais de Montaigne.
Bref, la Renaissance italienne, même si elle marque sans aucun doute une époque importante dans l'histoire de l'art européen et mondial, n'est pas, artistiquement parlant, cet absolu qu'on a voulu y voir Son importance réside beaucoup plus, à mon avis, dans l'idéal d'un certain art de vivre qui l'anime tout entière et qui se manifeste dans tous les arts etc.

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